
Eh oui, Enki Bilal dans l’actu people, qui l’eut cru ? Pourtant le célèbre auteur de bandes dessinées fait la une de Gala.fr, du fait de ses premiers pas au théâtre. En effet, il y dirige Evelyne Bouyx, la comédienne fétiche de Claude Lelouch, dans Suspection une pièce tirée du livre Mémoires d’une teigne de Fabienne Renault. Une suite de portraits courts, incisifs, très vaches et tendres à la fois, brossés par une femme qui passe en revue les rencontres qui ont marqué sa vie, ses voisines de classe, ses copines d’école, ses premières amours, les personnages pittoresques du village, le train-train du quotidien de sa province … La voix de Jean-Louis Trintignant, dont le bas du visage est projeté sur un écran, interrompt, fait reprendre le cours des confessions. Et la comédienne apparaît bientôt comme acculée, contrainte. Dans une combinaison qui évoque l’univers carcéral de Guantanamo, l’actrice est installée sur une table en mouvement, questionnée par la voix, rappel de la Stasi. Les images et les sons fusent, l’épouvante affleure. Les souvenirs, les restes mémorisés des moments essentiels de l’existence peuvent-ils devenir des produits soumis à la validation des autorités ?
Pour la première fois metteur en scène, Enki Bilal se saisit de cette comédie humaine, lui confère ses obsessions, ses oppressions. Il dessine les costumes et l’espace. Scénariste, peintre, réalisateur de Bunker Palace Hôtel, de Tykho moon ou de Immortel, créateur de la Trilogie Nikopol, de la Tétralogie du Monstre, Enki Bilal associe son univers aux portraits savoureux de Fabienne Renault, mariage de l’anticipation effroyable et de la nostalgie mordante.
Dans un écrin d’une noirceur envoûtante, Évelyne Bouix, menacée par la voix inquisitrice de Jean-Louis Trintignant, dresse des portraits de fantômes du passé, et déballe sous une torture absurde des joyaux d’humanité.
Jusqu’au 30 décembre au Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt 75008 Paris et du 12 au 17 février au Théâtre National de Nice, Promenade des arts 06300 Nice.